"La maladie m'a permis de vivre intensément mes projets"
Jérôme, 38 ans, papa de trois enfants, a accepté de témoigner pour Petit Coeur de Beurre sur les défis sportifs qu'il s'est lancés malgré sa cardiopathie congénitale.
Quelle est votre cardiopathie ? Quand et comment se sont déroulées votre opération et la rééducation ?
J’ai été opéré le 6 février 2015 à l’âge de 33 ans d’un anévrisme de l’aorte ascendante et de la valve aortique qui était bicuspide. Ma valve a été remplacée par une bioprothèse, et l’aorte endommagée par l’anévrisme par une prothèse en Dacron. Mon opération à duré 7 heures. Je me souviendrai toujours de mon réveil car c’est la première fois où je me suis posé réellement la question si j’étais bien vivant. S’en est suivi un jour et demi en réanimation, puis quelques jours en soins intensifs et pour finir une semaine en service hospitalier de chirurgie cardiaque. Ce vécu à l’hôpital est particulier ; la reconstruction physique et surtout psychologique commence ici. L’ambiance en réanimation est pesante. Même si les soignants font leur maximum pour rendre cette période acceptable, on ressent cette surveillance individuelle ou tout peut basculer très rapidement. On entend mais on ne voit jamais son voisin derrière le rideau. C’est très spécial, on vit les mêmes choses mais sans avoir les capacités de se parler (notre traitement nous assomme) et sans se voir.
La période d’hospitalisation est le moment où on ne doit pas s'endormir sur nos lauriers : tout est un véritable combat, et le but du jeu est de ne jamais baisser les bras. Aller faire sa toilette est compliqué, on subit des prises de sang tous les matins aux aurores, des piqûres au ventre... Aller à la radio relève d’un véritable exploit sportif car c’est tous les jours et il faut marcher pour relancer l’organisme.
Quand on termine cette période d’hôpital, on a envie de vivre à 2000 % et la notion de projet prend toute son ampleur. J'ai eu droit à une rééducation en ambulatoire (deux heures de kinésithérapie par jour pendant deux mois). J'effectuais de bonnes séances de vélo en début en fractionné ; l’objectif est d’obliger le cœur à s’adapter à l’effort en fonction de l’intensité. Après, de petits footings sur tapis pour reprendre le rythme de la course à pied, et pour finir une séance de musculation légère afin de "remuscler" l’organisme. L’après-midi est synonyme de repos et de bonnes siestes car la fatigue post-opératoire est bien là. Seul «jeune» dans la salle de réadaptation, je me suis vite retrouvé la coqueluche du groupe. Ils ne me l’ont jamais dit, mais je pense que de me voir courir après l’opération leur a donné une grande bouffée d’espoir pour leur propre réadaptation.
Un mois et demi après l’opération, je fais mon premier 8 kilomètres dans les chemins un week-end. Ce n'était peut-être "pas raisonnable" selon mon kinésithérapeute, mais ce besoin psychologique de me sentir capable a été plus fort que le raisonnable.
Quels défis sportifs vous êtes vous lancés et comment en avez vous eu l'idée ?
Je pratiquais un peu la course à pied avant mon opération, mais rien de très concluant. Pendant ma période de réadaptation je me suis promis un jour de courir autant de temps que le chirurgien a travaillé sur mon cœur : 7h. Il est difficile, voire impossible pour le patient de pouvoir remercier le professeur qui lui a sauvé la vie. Très pris dans leurs activités au quotidien de leur métier, nous les voyons très peu et ne pouvons exprimer notre gratitude. C’est pour cela que j’ai laissé place à l’action plutôt qu'aux mots. Mon premier objectif aura été le Lozère trail de 52 kilomètres et ses 2500 mètres de dénivelé positif en mai 2016, soit 1 ans après la chirurgie. La course a été réalisée en 7h15.
A partir de là, je n’ai fait qu’augmenter les distances, cherchant mes limites. En 2017 je lance le projet « Le coeur des Templiers ». Mon objectif est d’être le premier opéré à cœur ouvert à réaliser un ultra-trail, mais aussi à récolter des fonds pour nos amis de « Mécénat Chirurgie Cardiaque ». Ma saison commencera à nouveau sur « Lozère trail »: 52 kilomètres pour arriver au grand-trail des Templiers (Millau) avec ses 75 kilomètres et 3500 mètres de dénivelé positif réalisé en 12h50. La cerise sur le gâteau : 12000€ récoltés et la chirurgie d’un enfant de pays défavorisé financée.
Mais pourquoi s'arrêter là?
En 2018, je suis finisher de l’ultra « Lozère trail » 111 kilomètres et 6000 mètres de dénivelé positif en 18h42 .
En 2019 (grosse saison), je suis finisher de l’ultra-trail « Trans Aubrac » (105 kilomètres et 3500 mètres de dénivelé positif en 17h12 , finisher de l’ultra Endurance trail de 107 kilomètres pour 5000 mètres de dénivelé en 20h08. Mais surtout, j'entreprends l’ascension du Mont Blanc le 23 juin à 5h45 et une deuxième fois à 6h30. De plus en plus de personnes atteintes de cardiopathies me suivent sur les réseaux sociaux. Le projet du Mont Blanc est vraiment symbolique et marque l’image du possible pour les personnes malades. Je suis très fier de l’avoir fait pour les ODC et leur donner de l’espoir.
En 2020, à cause du coronavirus, je ne peux réaliser une saison sportive pleine, mais j'ai prévu deux ultra-trails pour 2021.
Avez-vous du soutien ?
Un ami du Lycée me suit dans la quasi totalité des projets; c’est d’ailleurs lui qui est souvent à l’origine des idées. Le reste, c’est de la motivation et du conditionnement, et ... beaucoup d'entraînement.
Mon épouse et mes enfants me soutiennent et me suivent tant qu’ils le peuvent sur les courses. Ils passent parfois des journées entières pour être présents aux ravitaillements et sont présents très tard dans la nuit pour vivre les arrivées.
Mes amis me parlent souvent des courses et suivent les news sur ma page facebook.
Avez-vous demandé l'assentiment de votre cardiologue ?
Vlad, mon cardiologue, est au courant de la totalité de mes saisons sportives. Je ne lui cache rien de mes sensations et projets ; pour le moment il ne m’a donné aucune restriction. Cependant, si c’est le cas, je ne me mettrai pas en danger !
La relation est particulière aujourd’hui avec l’équipe médicale (cardiologue + chirurgien) : on est devenu « proche »; ça change un peu d’accompagner médicalement un ODC pour réaliser des ultra-trails.
Ces défis sportifs vous ont-il apporté quelque chose ? Les auriez-vous réalisés sans votre cardiopathie ou celle-ci vous a encore plus motivé ?
Ces défis sportifs m’ont tous fait grandir mentalement : quand on ressort vivant de ce type de chirurgie, et qu’on vit avec une pathologie chronique, on cherche en permanence à savoir si on « vaut » quelque chose. Ces défis me permettent de voir que je suis toujours dans le coup, mais surtout ils me rapprochent de mes limites et me rappellent à l’humilité. Jamais je n’aurais réalisé tout cela sans ma cardiopathie. D’ailleurs je dis souvent que ma maladie est une chance : elle m’a permis de me décaler d’une vie classique pour vivre intensément mes projets.
Un jour ma fille aînée m’a dit : "en fait ta vie c’est « il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles »". Elle a résumé ce jour là ce qui fait mon quotidien depuis.
Aujourd’hui je suis président d’une association CardioCollègues 48 sur mon département de Lozère pour apporter un soutien aux personnes atteintes de cardiopathies et réaliser des actions de prévention, mais aussi président de l’association « La cœur dans la main » qui a pour mission de promouvoir la familiarisation du patient avec sa pathologie et de le rendre acteur dans son soin grâce à l’impression du cœur malade du patient en 3D pré-opération. Cette technique d’impression est aussi un grand atout pour les chirurgiens pour préparer leurs interventions.
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