"Avec de la volonté et du courage, on y arrive toujours"
Dominique, porteuse d'un pacemaker, a accepté de témoigner pour Petit Coeur de Beurre sur son expérience.
Comment "vivez-vous" le fait de porter un pacemaker ?
Je suis née en Février 1961. On a découvert trois mois plus tard suite à une pneumonie que j'étais atteinte d'une cardiopathie congénitale: une CIV (communication interventriculaire). J'ai été opérée le 7 juin 1967 à l'Hôpital Broussais. L'intervention a duré 8 heures. J'ai passé 12 jours en soins intensifs et je suis partie ensuite en convalescence au Château des Côtes où j'ai fait plusieurs malaises (bradycardie). J'ai été transférée en urgence à Broussais où il m'a été posé mon premier pacemaker. Après 4 mois loin de chez moi, je suis rentrée dans ma campagne picarde en Septembre 1967 et j'ai pu commencer l'école à mi-temps. Ce premier pacemaker a duré 18 mois. Le suivant 3 ans et en 1972, il m'a été posé un pacemaker isotopique - à l'époque j'étais la plus jeune à en avoir un - , j'avais une gourmette que je devais porter tout le temps (une sorte de plaque d'immatriculation....). J'ai vécu avec ce pacemaker isotopique pendant 16 ans. A cette époque, il ne s'accélérait pas à l'effort, du matin au soir il était réglé sur 80 de pulsation. J'ai eu ma fille aînée avec ce pacemaker. En 1988, j'ai eu un souci de sondes; il a été décidé de m'implanter un pacemaker plus "moderne". Ma vie a été transformée puisque à partir de cette date, j'ai eu un pacemaker qui s'accélérait à l'effort. Comment je vis le fait d'être porteuse d'un pacemaker? Je dirais que je n'ai pas le choix puisque que je n'ai plus de rythme propre et que donc sans lui, je ne serais pas là à témoigner. Il est présent 24h/24h mais je n'y pense pas à chaque instant de ma vie. J'ai mené une vie quasi normale, j'ai pu avoir une deuxième fille, j'ai pu travailler à temps complet pendant 35 ans. Cependant, quand en Janvier 2014, j'ai fait un malaise et que le SAMU m'a réanimée, là oui cela a été psychologiquement très difficile. J'ai très mal vécu ce malaise, je me suis vue mourir: pour moi ma vie s'arrêtait là à 23h . J'ai ensuite été transférée à l'hôpital d'Antony où j'étais suivie à l'époque. Il a été décidé après plusieurs examens de m'implanter un pacemaker avec fonction défibrillateur. J'ai eu une année difficile pour m'adapter, le pacemaker étant beaucoup plus gros qu'un classique. J'avais de grandes difficultés à lever le bras droit et, surtout, je n'allais pas bien du tout dans ma tête. J'avais en permanence peur que le défibrillateur se déclenche. J'ai dû à ce moment me faire aider psychologiquement. Depuis, je vais bien, je me suis habituée à "mon ange gardien" et, avec de la volonté, j'ai pu rebouger mon bras et reprendre une activité physique.
Avez-vous des contraintes particulières ?
Les contraintes qu'engendre mon pacemaker sont connues de tous ceux qui en portent un : ne pas passer sous les portiques dans les aéroports, ne pas pratiquer de sport violent, pas de tir à la carabine...
Comment se passe le suivi ?
J'ai été suivie jusqu'à l'année dernière à l'hôpital privé d'Antony par le Docteur G que je connais depuis 1988. Une relation de confiance s'est installée depuis le début. En 2019, j'ai déménagé dans la Drôme et je suis suivie depuis à l'hôpital d'Avignon par le docteur F et son équipe. Dès le début, il m'a été proposé la télésurveillance que j'ai depuis. Je vais en consultation tous les 6 mois et une intervention pour changement de boitier doit se faire normalement l'an prochain. Je consulte également le Docteur I à l'hôpital G. Pompidou pour le suivi de ma cardiopathie une fois par an.
Votre défibrillateur a-t-il déjà servi ? Est-ce que vous avez réalisé l'utilité d'un tel objet?
Mon défibrillateur n'a jamais été utilisé pour l'instant, mais bien évidemment, j'ai réalisé tout de suite l'utilité d'un tel équipement. Par contre, après mon malaise en 2014, je me suis sentie plus fragilisée par la maladie, j'ai pris conscience que mon état pouvait se détériorer et que je devais encore plus prendre soin de moi.
Prenez-vous des AVK ? Si oui, est-ce handicapant ?
Je prends des AVK depuis 2004 pour une dose de 3/4 suivant les résultats du dosage sanguin que je dois faire toutes les 3 semaines. Ce médicament est très handicapant car il faut toujours faire attention à bien le prendre, à bien faire les dosages d'INR qui permettent d'ajuster le dosage journalier, à éviter les interactions médicamenteuses et alimentaires,... Avec le recul, je me dis que j'ai eu de la chance de ne pas avoir été sous AVK au moment de mes grossesses; je pense que cela aurait pu être plus compliqué pour moi et l'enfant.
Avez-vous dû renoncer à des projets à cause de votre pacemaker ?
J'ai toujours été une personne raisonnable qui faisait ce qui était permis. Je pense, avec le recul, que ma cardiopathie m'a rendue trouillarde et que du coup, je n'aurais pas fait quelque chose "d'interdit". Mon rêve le plus important était d'avoir au moins un enfant, j'en ai eu deux et surtout, mes filles n'ont pas de cardiopathie congénitale. Tous les projets que j'ai imaginé avec celui qui est mon mari depuis 36 ans, je les ai réalisés. Le dernier en date c'était d'aller visiter l'Ile de la Réunion, cela me tenait à coeur. J'avais un peu peur durant le vol de 11h que mon défibrillateur se mette en route. Tout s'est très bien passé. J'ai pu faire de belles randonnées même si certaines ont été plus difficiles que d'autres, j'y suis arrivée.... Le seul rêve que je ne pourrais jamais réaliser, c'est celui d'aller sur le Mont Blanc. Je me contenterai de regarder des vidéos...
Je suis ravie de pouvoir témoigner sur mon parcours pour Petit Coeur de Beurre. A l'époque où j'ai été opérée, il n'existait pas ou peu d'associations surtout en milieu rural. J'ai conscience que mes parents ont vécu un énorme traumatisme et qu'il aurait fallu plus les aider psychologiquement. Aujourd'hui, il y a ces associations, ces groupes de paroles sur Facebook...
Le message que je voudrais adresser à tous les cardiopathes congénitaux et leurs parents: ayez la" niaque", ne perdez jamais espoir: nous sommes des battants. Notre parcours n'est pas forcément celui de tout le monde, mais avec de la volonté et du courage, on y arrive toujours. J'en suis la preuve et je suis très fière de mon parcours.
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