Durant mon adolescence et mes études de kinésithérapie, j’ai toujours tenté de « gommer » ma cardiopathie, de faire comme si elle n’existait pas. En effet, j’étais plutôt en bonne santé, mon état était stable et ne nécessitait pas de suivi particulier, si ce n’est l’habituel contrôle annuel. Mais je n’étais pas en vérité avec moi-même et surtout, je n’étais pas tout à fait moi-même. C’est lorsque j’ai rencontré le garçon qui allait devenir un peu plus tard mon mari que j’ai finalement admis que cela faisait partie de moi. Ainsi, j’ai rapidement pu discuter avec lui de ce que cela pouvait impliquer dans le futur, notamment lorsque nous nous sommes fiancés et que nous avons évoqué la question d’avoir des enfants.
Depuis toujours,je voulais devenir maman. Mais je ne m’étais jamais demandé si cela était compatible avec ma cardiopathie. C’est après notre mariage que nous avons exposé aux cardiologues notre projet de devenir parents. Afin de savoir si mon cœur supporterait une grossesse, j’ai subi une batterie d’examens : IRM, scanner, test d’effort… Les résultats de ces différents examens se sont avérés plutôt concluants : mon cœur pourrait sûrement supporter une grossesse. Quelques semaines plus tard, j’étais enceinte !
Malheureusement nous avons perdu notre premier bébé à la fin du 1er trimestre de grossesse. J’en ai voulu à la terre entière.J’ai eu beaucoup de mal à m'en remettre. Surtout que durant cette période, j’ai commencé à avoir des troubles du rythme cardiaque, avec un certain nombre d’épisodes de tachycardie ayant fini aux urgences, et même un épisode de fibrillation auriculaire. Toute tentative de devenir maman m'est alors devenue interdite, car il fallait d’abord tenter d’éliminer au mieux ces arythmies, qui risquaient de rendre une éventuelle grossesse inconfortable voire dangereuse. Les 2 premières interventions de thermo-ablation de ces fameuses arythmies ont malheureusement échoué, la troisième tentative fut un succès, bien qu’aujourd’hui encore la situation ne soit pas résolue à 100%.
Malgré tous ces obstacles, avec mon mari nous avons décidé de donner une nouvelle chance à la Vie après cette période difficile, surtout sur le plan psychologique. Dans ma tête, il m’était en effet impossible de rester la maman d’un bébé disparu bien trop tôt. Et durant le week-end de Pâques 2018, je découvrais que j’étais à nouveau enceinte
J'ai été suivie de près durant ma grossesse, tout comme mon bébé. J’ai rapidement été mise en arrêt de travail pour favoriser le repos. Après les désagréments du 1er trimestre, je me suis sentie vraiment bien durant cette grossesse. Bien évidemment, j’avais parfois peur pour mon bébé, qu’il n’ait pas assez d’oxygène pour se développer, ou qu’il naisse trop tôt. Mais j’avais surtout une petite voix en moi que me disait que ce bébé était un être fabuleux et faisait de son mieux. Je lui ai donc fait confiance. J’avais aussi peur pour moi. D’y rester, tout simplement. Que mon cœur me lâche. Alors je me suis fait accompagner par un psychologue et par mon hypnothérapeute. Pour visualiser les meilleurs scénarios possibles, pour apaiser les peurs.
J'ai finalement accouché à 33 semaines de grossesse, par césarienne car mon bébé commençait à donner des signes de fatigue. Notre petit garçon a passé 4 semaines en néonatologie, avant de nous rejoindre à la maison au début du mois de décembre passé. Les premières semaines ont été difficiles, plus qu’épuisantes.
Il nous a fallu le temps de faire connaissance, de s’apprivoiser mutuellement. J’ai allaité notre fils durant presque 10 mois, soutenue par des consultantes en lactation en or, ma sage-femme et mon mari, qui me relayait dès que possible. Je suis devenue experte en tirage de lait et mon mari donnait ainsi des biberons de lait maternel, la nuit notamment, afin de me laisser dormir un peu plus. Notre fils est en bonne santé et nous avons fêté il y a peu son 1er anniversaire !
Être une maman est effectivement très fatigant, et le soutien de mon mari dans les tâches ménagères, les activités quotidiennes et les soins au petit est plus qu’important. Sans lui, je ne pourrais absolument pas réaliser la moitié de tout ce que nous faisons. Je suis parfois extenuée, vidée. Comme toutes les mamans, en fait. Je crois que le plus important lorsque l’on devient maman avec une cardiopathie, c’est de savoir demander de l’aide pour ne pas repousser sans cesse ses limites. A mon sens, il est prioritaire de ne pas s’oublier et de prendre du temps pour soi afin de garder un état physique et mental qui permet de pouvoir profiter de ses enfants sans négliger sa santé. Et partager sur ses craintes, ses angoisses, ses questions avec des personnes de confiance ou même ses médecins peut aussi aider à trouver des solutions.
Echanger avec des personnes qui vivent aussi avec une cardiopathie m’avait manqué durant toute mon adolescence et durant l’attente d’une grossesse. J’ai la chance d’avoir aujourd’hui un réseau de copains porteurs de malformations cardiaques avec qui partager mes expériences de vie. Nous sommes certes tous différents, et nos histoires sont toutes uniques. L’important n’est pas de se comparer mais de se rappeler de croire en soi et en la Vie. Oui, il faut y croire et continuer de poursuivre ses rêves jour après jour. Et vous savez quoi ? Au printemps prochain, si tout continue à bien se passer, notre petit garçon sera grand frère…